Quand je lui demande de me raconter son parcours, Mathilde Bel m’annonce d’emblée la couleur : « Il a été chaotique. » Pourtant, de prime abord, tout semblait simple. « Cela peut paraître cliché, mais j’ai toujours beaucoup dessiné, j’ai toujours eu besoin de créer quelque chose de mes mains. Mais comme tout le monde m’expliquait que ce n’était pas un métier, qu’on n’en vivait pas, je me suis orientée vers des études de graphisme. »
Le Bruxelles de Mathilde et Priscilla
Durant ses études de BTS à Nantes, formatrices mais très intenses selon ses dires, Mathilde n’a sans doute pas le déclic professionnel escompté mais elle fait tout de même une rencontre qui va changer sa vie : « J’ai rencontré mon futur mari. Il est Allemand et faisait ses études via Erasmus. A la fin de nos études, nous avions envie de découvrir une ville européenne ensemble et sommes partis vivre à Bruxelles. » Mathilde se lance dans le monde du travail et démarche quantité d’entreprises en tant que graphiste. « C’était très dur, je n’avais aucune réponse positive. J’ai fini par me lancer en freelance et par décrocher des petites missions. En parallèle, j’ai fait une rencontre décisive, celle de Priscilla Dessaigne, également française, fraîchement installée à Bruxelles. » Ensemble, elles lancent un city-guide en ligne qui cartonne rapidement, My Brussels. « Nos deux styles se faisaient écho et il y avait une place à prendre dans la blogosphère bruxelloise. Priscilla rédigeait les articles et moi je m’occupais de l’identité graphique. Nous formions une vraie équipe puisque j’accompagnais Priscilla aux interviews, nous découvrions les nouveaux lieux ensemble… »
Berlin, « ville où l’on fait du vélo et où les hommes ne nous accostent pas dans la rue »
Mais Mathilde et son amoureux ont des envies de changements. Après 4 ans, ils quittent Bruxelles pour s’installer à Berlin. S’en suit pour Mathilde une période difficile, avec un constat amer : « Je n’avais pas envie de me remettre dans le graphisme, de redémarrer à zéro la recherche de contacts. J’étais complétement perdue en fait. » Alors, elle enchaîne les petits boulots, fait de la garde d’enfant, suit des cours d’allemand en intensif. Mais surtout, Mathilde réfléchit. Jusqu’au déclic : « J’ai fini par réaliser que ce que j’aimais faire depuis toujours, c’était le dessin. Alors je me suis lancée ; avec, au départ à côté, un job à temps partiel dans une boutique Bensimon. Désormais, je fête ma première année en tant qu’illustratrice et je collabore auprès de magazines, de marques et de maisons d’édition. »
La couverture de la revue Soror
Avec Mathilde, on se suivait de loin via les réseaux sociaux depuis son aventure My Brussels. C’est elle qui m’a contactée lorsque l’aventure Soror est devenue officielle et j’ai apprécié autant sa démarche que son univers. « C’est l’aspect féministe et solidaire qui m’a plu dès le départ. Maintenant, quand je vois des projets qui me font envie, je n’hésite pas à proposer mes services » m’explique-t-elle. Pour Mathilde, au style graphique si minimaliste et coloré, le cahier des charges que je lui ai imposé n’était pas évidente. « Je devais représenter une femme qui soit la quintessence de celles présentes dans le mook. Je voulais qu’elle ait une expression paisible. J’aime aussi beaucoup travailler autour du végétal qui pouvait revêtir plusieurs symboliques. Je dessine beaucoup de personnages féminins mais là il fallait travailler autour du noir et du blanc, ce qui était un sacré challenge ! J’ai dû plus travailler sur la texture et les lignes que d’habitude. J’ai dû sortir de ma zone de confort et je suis super heureuse du résultat. »